Le pari réussi de la Chambre de commerce de Sept-Îles - Uashat mak Mani-utenam

03-05-2021
« Prouver qu’on est capable de travailler et de faire des affaires ensemble, parce que ce sont les petits gestes qui font avancer les choses »
Rédigé par :
Mourad Hachid, FCCQ
Le pari réussi de la Chambre de commerce de Sept-Îles - Uashat mak Mani-utenam

Lors du Gala des Chambres de commerce de la FCCQ, organisé en novembre 2020, la Chambre de commerce de Sept-Îles - Uashat mak Mani-utenam a reçu le 1er prix de la catégorie Projet innovant. La réunion des communautés d’affaires autochtones et allochtones qui cohabitent à Sept-Îles sous une même Chambre a vraisemblablement séduit le jury. Depuis la création d’une aile autochtone à la Chambre de commerce, il y a déjà quatre ans, les choses n’ont fait qu’évoluer même qu’actuellement le conseil d’administration est composé de onze administrateurs, dont quatre représentants des entreprises de la communauté. La coprésidence de la CCSIUM est d’ailleurs assumée par une femme autochtone et « Cela reflète bien l’importance que nous accordons à la représentation de nos membres au sein de notre organisation », selon Jessica Bélisle, la directrice générale de la Chambre. 

Même si la pandémie a ralenti les initiatives prévues pour concrétiser cette union, Mme Bélisle avoue que le changement de nom de la chambre a eu un impact certain sur la mobilisation des membres de la communauté innue dans l’organisation. Le défi pour tout le monde est d’arriver à travailler pour l’intérêt économique des deux communautés. 

Faire tomber les préjugés 

Selon Jessica Bélisle, en pleine rareté de main-d’œuvre, l’un des grands défis est d’arriver à trouver les mécanismes qui feraient que les entreprises allochtones embauchent davantage les membres des Premières Nations et qu’à l’inverse, les Innus appliquent en plus grands nombres sur les postes à l’extérieur de la communauté. « On essaie de discuter de ces sujets-là, mais ce n’est pas évident, parce qu’il y a la Covid-19, mais pas seulement. Il y a aussi des problématiques sociales, des blessures ancrées depuis des années. Notre travail est aussi d’informer nos membres allochtones aux réalités autochtones et vice versa », parce que, selon elle, « il y a beaucoup d’incompréhension, qu’il faut combattre ». 

Pour la directrice de la chambre : « En cette ère de réconciliation, il est temps de travailler à faire tomber les dernières barrières qui peuvent encore nous séparer. C’est par le dialogue, l’écoute et le partage de bonnes pratiques que nous comptons y parvenir ». La relation entre les Innus et Septiliens remonte bien avant la création de la ville, mais au fil des ans et du développement de la région, une relation d’interdépendance entre les gens d’affaires de Sept-Îles et ceux de la communauté innue s’est consolidée. Nous souhaitons donc poursuivre et officialiser, à notre manière, cette relation de longue date ». 

Mme Bélisle insiste sur le fait que dans la Ville de Sept-Îles, les commerces, n’existeraient pas sans les Innus, ce qui lui fait dire que ce travail au sein de la Chambre est aussi un signe de reconnaissance au rôle que joue la communauté, qui investit près de 200 millions annuellement sur le territoire de la Ville de Sept-Îles. « Ce sont nos meilleurs acheteurs, nos meilleurs clients », avoue-t-elle. 

Donner de la visibilité aux entreprises autochtones 

La Chambre de commerce souhaiterait travailler de concert avec l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL), qui a publié en septembre 2020 un plan d’action contre le racisme et la discrimination, dans lequel il y a plusieurs recommandations aux Chambres de commerce du Québec, à qui on demande de s’impliquer dans la mise sur pied d’un programme d’intégration de la main-d’œuvre des Premières Nations dans leurs entreprises membres. Pour Mme Bélisle, quelles que soient les volontés affichées par les uns et les autres, il y a encore un gros travail à faire pour démystifier l’embauche de travailleurs des Premières Nations, même si certaines expériences semblent avoir donné de bons résultats. C’est le cas par exemple d’un concessionnaire automobile de Sept-Îles qui, après avoir embauché un vendeur innu, a vu ses ventes connaître une belle croissance, parce que plusieurs membres de la communauté viennent maintenant acheter chez lui. 

En plus d’augmenter le nombre de nos membres, nous sommes d’avis que notre nouvelle appellation aura des répercussions positives sur les opportunités d’affaires. En effet, les entreprises pourront échanger davantage leur expertise entre elles et être plus compétitives sur les marchés. De plus, il est évident qu’en diversifiant et en augmentant le nombre de membres, notre Chambre sera plus représentative de la communauté d’affaire et notre impact dans la collectivité sera plus important. En innu le mot Mamu est un mot puissant puisqu’il veut dire ensemble" et qu’un des facteurs facilitant la survie de ce peuple nomade dans un environnement hostile était de pouvoir compter sur le groupe. Ainsi, à la CCSIUM, nous croyons que "Mamu" nous serons plus fort et nous serons de meilleurs leaders pour une activité économique soutenue de la région de Sept-Îles et Uashat-mak-Mani-utenam.

Mme Bélisle est convaincue que ce sont de petits gestes, accomplis ici et là qui vont faire avancer les choses et défaire les préjugés. « En créant cette configuration de la Chambre de commerce, je pense que les gens se sentent plus intégrés, se disent qu’ils ont leurs places en tant qu’entreprise ou jeune entrepreneur. Notre mission, en tant que Chambre de commerce, est de mettre en valeur les initiatives des entreprises et organismes de la communauté. Ce projet est une réelle fierté pour notre organisation, il ouvre la voie à de nouvelles collaborations dans tous les secteurs entre la Ville de Sept-Îles et la communauté de Uashat mak Mani-utenam. Il nous permet déjà de briser des mythes et d’ouvrir des perspectives », affirme Jessica Bélisle, très optimiste sur l’avenir des actions entreprises envers la communauté innue, qui est représentée par 30 entreprises au sein de la Chambre.