9 façons de dire adieu à son personnel

12-06-2023
Un employeur doit parfois se départir de collaborateurs.trices pour diverses raisons. Voici 9 conseils en matière de débarquement, communément appelé « Off boarding » en France qui signifie quitter l’entreprise.  
Rédigé par :
Annie Bourque, Pratiques RH
Pratiques RH Ce qu'il faut savoir sur la fin d'emploi

D’abord, les dirigeant.e.s et gestionnaires doivent réfléchir à leurs intentions : si quelqu’un part, doit-on en parler ou pas ? Puis, où annonce-t-on la nouvelle, à l’interne, sur les réseaux sociaux ?  

« Cela dépend toujours de la raison. Souvent, un congédiement non volontaire fait suite à des enjeux de performance. L’employeur est contraint d’y mettre fin », explique Martin Cloutier, psychologue organisationnel et associé chez Humance.  

Le processus de fin d’un emploi dans une entreprise peut prendre différentes tangentes.  

Cinq raisons liées au processus de fin d’un emploi  

  • Congédiement 
  • Licenciement  
  • Coupure massive de postes pour diverses raisons 
  • Mise à pied 
  • Départ volontaire 

Dans tous les cas, cela n’a pas la même incidence pour le personnel qui doit se retrousser les manches pour atteindre les mêmes résultats.  

1. Exit le silence 

Lors d’un départ d’un.e employé.e, certains employeurs font semblant de rien en souhaitant que l’événement passe inaperçu. Toutefois, dans bien des cas, faute d’explications, plusieurs salarié.e.s peuvent être affecté.e.s par ce silence. Cela peut entrainer une perte de motivation ou une diminution de productivité.  

Car, sans fait précis, ceux et celles qui restent s’imaginent divers scénarios. « C’est la pire chose à faire de garder sous silence le départ d’une personne, dit l’auteur, conférencier et CRHA, Stéphane Simard. Le plus simple, c’est de dire : « nous avons mis fin à ta relation d’emploi parce qu’on s’est rendu compte que cela ne faisait plus l’affaire. »  

2. Comment et quand annoncer la mauvaise nouvelle ?  

Le sociologue et professeur titulaire au département d'organisation et ressources humaines de l’UQAM, Angelo Soares estime qu’il n’y a pas de formule magique pour procéder à l’annonce d’une fin d’emploi. « L’important, c’est de le faire en tout respect. Il n’y a jamais de bon moment : le vendredi à 17 heures est-ce mieux qu’un lundi matin à 8h45 ? », s’interroge-t-il.  

« En revanche, on doit éviter d’annoncer ce genre de nouvelle, un vendredi à 17 heures », dit Jacques Malenfant, consultant spécialisé en développement organisationnel, en gestion des relations du travail et des ressources humaines.  

Le psychologue organisationnel Martin Cloutier suggère aux gestionnaires et dirigeant.e.s d’entreprise de faire preuve de transparence. Advenant une suppression de poste ou une réorganisation, on se doit d’exposer le point de vue de l’employeur et de dire par exemple : « Nous sommes dans un contexte économique difficile et on tient à vous donner l’information juste et précise. »  

3. Gérer la réaction de ceux qui restent au bercail  

Les gestionnaires en entreprise sont souvent appelé.e.s à annoncer une perte d’emploi. De là, l’importance d’agir avec doigté lors de ces procédures. « Je recommande d’être empathique, transparent, honnête et d’aller droit au but. Voici le contexte : malheureusement, il faut mettre fin à votre emploi et voici comment nous allons vous accompagner par la suite dans ce processus », fait valoir M. Cloutier.  

Au travail, c’est connu, des relations et amitiés se développent entre les membres d’une équipe. C’est pourquoi les gestionnaires doivent faire preuve d’empathie. Le départ d’un.e collègue peut être un choc pour certaines personnes, selon M. Cloutier. « Il faut que les gestionnaires soient bien formé.e.s afin d’être des intervenant.e.s de première ligne et de faire preuve d’écoute authentique. »  

Dans le cas contraire, ceux qui restent n’osent pas parler et vont parfois ruminer en silence. Plusieurs risquent de se dire : « Est-ce moi la prochaine personne à partir ? », évoque M. Cloutier.  

4. Attention à deux poids, deux mesures en matière de fin d’emploi  

Certaines personnes occupant un poste hiérarchique dans les organisations vont bénéficier de l’aide d’un chasseur de tête alors que d’autres, en bas de l’échelle, n’ont strictement rien. 

« Je trouve cela sincèrement dégoûtant, confie le professeur Angelo Soares. Tous travaillent fort au sein d’une organisation et chacun.e devrait être traité.e avec respect. Pourquoi deux poids, deux mesures au sein d’une même organisation ? Cela crée tout un sentiment d’injustice au sein de l’organisation. »  

Le médiateur et président de la firme Sylco Gestion Conseil Sylvio Côté explique les raisons de cette démarche. « Souvent, dit-il, les employeurs suivent aveuglément les normes édictées dans la loi sur les normes du travail du Québec. Si cette approche respecte la loi, elle peut donner l'image d'iniquité, surtout lorsque des ententes sont conclues avec les employé.e.s cadres. Dans tous les cas, je suggère d’offrir un accompagnement et tenir compte des réalités individuelles afin d'accompagner toutes les personnes dans les étapes qu'ils auront à vivre. »  

Enfin, Pratiques RH a appris que les ententes avec les salarié.e.s-cadres permettent d'éviter ainsi d'éventuelles poursuites judiciaires. Advenant une indemnité de départ ou une réaffectation, il est fort peu probable que la personne évitera d'enclencher un processus judiciaire face à son employeur.  

« Une personne, licenciée dans une usine, indique M. Côté, peut aussi recevoir un accompagnement d’une période de 2 mois provenant d’une firme spécialisée qui l’aidera à retrouver un emploi. J’observe aussi qu’on peut offrir un service de coaching allant jusqu’à un an à un directeur-général d’une entreprise. »  

5. Pourquoi une politique d’accueil, d’intégration et de fin d’emploi ?  

Déjà au Québec, plusieurs organisations rédigent des politiques d’accueil, d’intégration et de départ des employé.e.s, communément appelées en Europe, « On et Off boarding. » *

Avant d’établir une politique de fin d’emploi, il est important, selon lui, d’en définir les raisons: 

  • Gérer son image de marque  
  • Diminuer les risques du départ du collaborateur.trice 
  • Sauvegarder les données sensibles 
  • Protéger la réputation de son entreprise 

Toujours est-il qu’en adoptant de telles politiques, cela permet de sécuriser le personnel. « On lance le message que c’est important pour nous de bien faire les choses. Cela démontre qu’on travaille avec rigueur et non de manière approximative », mentionne Martin Cloutier, psychologue organisationnel et associé chez Humance.  

« On sous-estime beaucoup l’impact d’un départ. Le personnel qui reste vit souvent avec les conséquences d’un congédiement ou d’une démission », ajoute M. Malenfant. 

De plus, M. Cloutier estime important de réaliser une entrevue avec la personne qui quitte l’organisation. « Cela permet de comprendre les raisons de son départ. S’il y a des éléments qui ressortent en matière de climat, de mobilisation, on va par la suite agir pour modifier les choses.»  

*Nota bene : Opinion de Jacques Malenfant sur le On et Off boarding

« À mon avis, il serait important de cesser d’utiliser ou de copier ces expressions anglaises pour faire tendance et qui ne veulent rien dire », affirme Jacques Malenfant, consultant spécialisé en développement organisationnel,  gestion des relations du travail et des ressources humaines 

« Embarquer ou débarquer vient d’embarquer dans une barque, (un bateau) : cela n’a rien avoir avec la dotation d’un poste. On n’embarque pas dans une entreprise, on se joint à une entreprise. On ne débarque pas d’une entreprise, on la quitte. »  

 6. Que doit contenir une politique de fin d’emploi ?  

En quittant l’entreprise, l’employé.e était auparavant en contact avec des clients, fournisseurs et partenaires. Il faut les identifier.  

  • Nommer la personne qui prend la relève. Bien définir par écrit son rôle dont le maintien d’un contact avec les gens qui travaillent étroitement avec l’entreprise.   
  • Déterminer qui s’assure du retour des outils informatiques.  
  • Vérifier la désactivation de comptes et données sensibles de celui ou celle qui quitte l’entreprise.  
  • Recueillir le témoignage positif ou non de chaque personne qui part sous d’autres cieux. 
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Différence entre licenciement, mise à pied et congédiement 

Licenciement  

Un employeur licencie une personne parce qu’il n’a plus besoin de ses services pour des raisons financières, organisationnelles (restructuration) ou techniques (innovation technologique). Un licenciement représente la fin définitive du lien d’emploi entre un travailleur.e et son employeur.  

Mise à pied   

La mise à pied suspend temporairement le contrat de travail entre l’employeur et l’employé.e pour des raisons d’ordres économique, organisationnelle ou technique. Toutefois, l’individu peut être rappelé au travail plus tard. Le lien d’emploi est donc maintenu. 

Congédiement  

Le congédiement survient quand un employeur, dans le cadre de l'exercice de son droit de gestion, met fin à l’emploi d’un travailleur de façon définitive pour des raisons disciplinaires ou liées à sa capacité d’exécuter ses tâches. Source : CNESST.

7. Une fin d’emploi s’effectue dans les règles de l’art  

Le consultant spécialisé en développement organisationnel, en gestion des relations du travail et des ressources humaines, Jacques Malenfant, observe que certaines personnes obtiennent des promotions en raison de liens d’amitié avec les membres d’une organisation.

Lors d’évaluation, le gestionnaire oublie de souligner les lacunes de la personne. « Je dis souvent de faire attention aux promotions d’ami.e.s qui n’ont pas toujours l’expertise afin d’occuper un poste. »  

Advenant un changement dans l’organisation, il est difficile de mettre à pied la personne. « L’entreprise est prise alors avec quelqu’un qui n’offre pas le rendement attendu. Un peu comme s’il y avait un objet pris dans l’engrenage d’une roue, illustre M. Malenfant. On ne peut pas licencier une personne sans prérogative. Avant, il faut lui demander un plan d’amélioration continue. »  

8. Impact de l’annonce d’un départ sur les réseaux sociaux

Depuis la Covid-19, l’entreprise Poches et Fils traverse de sérieux défis financiers. En août dernier, l’entreprise a salué le départ de son gestionnaire de marque.

« Merci d’avoir été un sacré collègue, d’avoir mis des sourires sur nos lèvres. Tu cherchais toujours à apprendre sans jamais oublier d’avoir du fun. On te souhaite le meilleur pour la suite», écrit-on sur le site de l’entreprise avec une belle photo en couleur de la personne.  

Le président de l’entreprise Anthony Vendrame, aujourd’hui, assistant manager chez Crayon 15, explique à Pratiques RH sa philosophie. « On ne fait pas ces publications pour attirer des likes ou des « je t’aime ». On le fait simplement pour les bonnes raisons, soit par respect et reconnaissance.» 

De son côté, l’auteur de la capsule le générateur d’engagement, Stéphane Simard qualifie cette initiative de géniale.  « Si l’employeur salue le départ d’un.e employé.e sur les réseaux sociaux, les gens qui restent en entreprise vont regarder ceux qui partent et constater avec quelle considération ils sont bien traités », dit-il.  

9. Des idées de cadeaux de départ appréciées

Anthony Vendrame a souligné le départ des membres de son équipe par des cadeaux fort appréciés. L’un d’entre eux était le maître du ping-pong, raflant tous les tournois. « On a fait produire des raquettes de ping-pong avec une photo de lui dessus. On lui en a remis et on en a gardé une à notre bureau. Une façon de garder son empreinte avec nous », relate-t-il en souriant.  

En prenant soin de ceux et celles qui partent de l’entreprise, cela envoie aussi un bon message. « Cela montre que ce fut une expérience positive et cela peut nous aider dans notre recrutement, ajoute Anthony. Et peut-être qu’un jour, ils vont réaliser leurs prochains défis dans notre organisation. Qui sait ? ».  

Même si la personne ne revient pas en poste dans votre entreprise, Stéphane Simard pense qu'elle pourrait devenir un.e bon.ne ambassadeur.trice et même, vous recommander des candidats potentiels. Et en période de pénurie de main-d’œuvre, cela n’a pas de prix.  

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