Entreprendre au féminin et créer un monde meilleur pour les générations de demain

08-03-2023
Qu’ont en commun la Montréalaise Clara D. Lewis, de Brown Divas Dolls et Marie-Hélène David, fondatrice de l’entreprise Myni, située Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec ?
Leur audace suscite l’admiration. Un an avant la pandémie, elles lancent leur propre entreprise avec son lot de défis.
Rédigé par :
Annie Bourque, Pratiques RH
Pratiques RH Des femmes entrepreneures inspirantes

Créatives et déterminées, elles s’illustrent par l’innovation : l’une en créant des poupées inclusives et l’autre, en produisant des pastilles écologiques enrayant la présence de millions de bouteilles de plastique sur la planète.

Aujourd’hui, elles partent à la conquête du Québec et même des États-Unis avec un rêve en tête : créer un monde meilleur pour la future génération.

Des poupées inclusives pour mieux prévenir la discrimination

À l’aube de la quarantaine, Clara D. Lewis réfléchit à son parcours. Cette travailleuse sociale de métier souhaite jouer un nouveau rôle auprès des enfants et provoquer un impact dans la société.

Depuis le lancement de son entreprise Brown Diva Dolls en 2019, elle réussit son pari en créant des poupées à la peau foncée dont certaines atypiques.

D’autres affichent leur différence par l’albinisme - absence de pigmentation sur différentes parties du corps ou le vitiligo qui est une dépigmentation de zones cutanées. « Ma mission est basée sur l’inclusion et la représentation. Je veux réaliser aussi des poupées portant le hijab et ou se déplaçant en fauteuil roulant », explique la jeune quinquagénaire, lors d’une entrevue à la veille de son départ pour une mission, en Europe.

La leçon de vie

En 28 ans d’expérience comme travailleuse sociale, Mme D. Lewis observe que plusieurs enfants ont une faible estime d’eux-mêmes. « Certains en intimident d’autres parce qu’ils sont inconfortables et ne savent pas comment composer avec la différence », fait valoir celle qui est née à Saint-Marc, en Haïti et est arrivée au Canada à l’âge d’un an avec sa famille.

Les études neuroscientifiques démontrent les bienfaits de jouer avec une poupée. Cela développe un sentiment d’empathie chez l’enfant qui apprend à tisser des liens sociaux.

« En jouant avec une poupée noire ou en chaise roulante, dit-elle, cela permet à l’enfant de prendre conscience de cette différence. »

Des parents ont confié à Clara Lewis que l’achat d’une poupée Diva a permis à la famille d’apprivoiser le phénomène de l’intimidation. Actuellement, son entreprise travaille à la conception d’un coffret d’animation incluant une poupée et un livret contenant des informations liées à l’inclusion et la diversité.

L’entrepreneure de la rue Fleury dans le quartier Ahuntsic à Montréal souhaite que cet outil éducatif puisse servir aux éducateurs des garderies ou les professeurs dans les écoles primaires. « C’est la mission que je me donne d’éduquer la génération future parce que dans 10 ans, on n’aura plus à vivre l’intimidation parce que les jeunes vont savoir apprécier l’autre dans sa différence.»

17 %

En 2020, les femmes représentent 17 % des propriétaires majoritaires de PME au Canada. 

Des modèles inspirants

Mme D. Lewis souhaite que les enfants issu.e.s de minorités puissent jouer avec une poupée qui leur essemble. Vers l’âge de 7-8 ans, sa mère lui donnait une permanente avec des produits chimiques afin de lisser ses cheveux. Le but étant de ressembler le plus possible à ses ami.e.s du Québec.

En créant son entreprise, Clara D. Lewis veut mettre fin à ce diktat et souhaite que la future génération, les travailleurs.ses et entrepreneur.e.s ne soient pas obligé.e.s de vouloir ressembler à quelqu’un d’autre.

Le 1er mars dernier, Brown Divas Dolls a présenté sa dernière création, une poupée noire médecin inspirée d’Alexandra Bastiany, la première femme noire à devenir cardiologue d'intervention au Canada en 2021.

 

Contenu supplémentaire

« La poupée Diva Alex, avec ses cheveux noirs crépus, son sarrau blanc et ses lunettes lui ressemble comme deux gouttes d’eau, image Mme Lewis. Pour nous, c’est une façon de rendre hommage à une personne issue de la diversité qui se distingue dans notre société. Cela permet aussi à tous les enfants de voir grand et d’aspirer à des emplois nobles. »

Un premier pas vers l’exportation aux États-Unis

Déjà, des professionnel.le.s du monde de l’enseignement d’ici et des États-Unis lui ont fait parvenir des commandes en ligne. Ces éducateurs utilisent les poupées Brown Divas afin de développer le vivre ensemble

Mme D. Lewis est fière de cette première étape. Elle souhaite toutefois aller encore plus loin. 

« Nous espérons développer une entente avec le ministère de la Famille et de l’Éducation afin que nos poupées puissent aussi être présentes dans nos garderies au Québec » - Clara D.Lewis.

Depuis décembre 2022, les poupées de Brown Divas Dolls se retrouvent pour la première fois sur les tablettes des magasins Tour de jeux qui sont aussi présents dans 3 centres commerciaux à Montréal.

Importance du réseautage

La récipiendaire de nombreux prix dont la Bourse Entreprendre ICI, le prix Initiative Femmes de la Banque Scotia estime que la clé du succès réside dans le réseautage. « Je prends de nombreuses formations. Je fais partie du Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ) et je suis impliquée dans les incubateurs dont le Groupe 3737, Parcours entrepreneure Desjardins, Audace au féminin». 

De plus, l’entrepreneure encourage l’employabilité féminine en embauchant une équipe de 7 contractuelles engagées dans la production, le marketing, la comptabilité. « Trop souvent, nous les femmes, avons peur de la gestion du risque et avons tendance à prendre nos propres économies. Le conseil que je donne, c’est de croire en son projet. Je dis souvent aux jeunes entrepreneures : vas-y, fonces, fais-toi confiance et vas chercher le financement afin que tu puisses prendre ton ampleur. »

  • 9,3 % des propriétaires de PME sont membres de minorités visibles.
  • 68 % des projets présentés par des hommes ont obtenu du financement, comparativement à 32 % pour des projets présentés de la même manière par des femmes.

Au-delà-des faibles statistiques pour obtenir du financement pour une femme entrepreneure, Clara D. Lewis constate un écart encore plus grand pour les femmes seules en affaires, issues de minorités visibles.

« L’entrepreneuriat, c’est comparable à une montagne russe. Parfois, on se décourage. J’apprends à ne pas lâcher. S’il y a un obstacle, il faut le voir comme une opportunité. »

Par sa vision innovatrice, Clara D. Lewis trace la voie de sa réussite tout comme Marie-Hélène David qui se démarque par son talent oratoire capable de convaincre les plus sceptiques. Son entreprise, elle aussi, est en plein essor.

Une pilule pour réduire le gaspillage de millions de bouteilles de plastique sur la planète

Imaginez une simple pilule pour enrayer les millions de bouteilles de plastique qui polluent notre planète. C’est le rêve concrétisé par Marie-Hélène David, présidente et fondatrice de l’entreprise Myni, récipiendaire de l'édition 2022 du Défi jeunes pousses en croissance Banque Scotia, un concours propulsé par Les Affaires et le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.

La jeune trentenaire de Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec a eu l’idée de lancer sa propre entreprise en 2019 en raison du bris d’un tuyau se trouvant sous son lavabo dans la salle de bain de son condo neuf.

Son plombier lui apprend que le tuyau a sans doute percé en raison de la présence d’un produit nettoyant dont la bouteille entrouverte dégage des émanations corrosives.

Maman de deux enfants aujourd’hui âgés de 3 ans et demi et 5 ans, Marie-Hélène David commence ses recherches afin de trouver une alternative à ces produits toxiques et non sécuritaires. « J’ai réalisé qu’il y a 95 % d’eau dans les produits nettoyants et je me suis dit : il faut créer autre chose. De là, est né le concept d’une pastille pour offrir un meilleur environnement à nos enfants. »

Depuis, la création de Myni, c’est 1,4 million de bouteilles de plastique de moins sur la planète.

Miser sur la conscience environnementale

La jeune femme s’est alliée avec un chimiste pour créer la fameuse capsule nettoyante. « J’ai lancé l’entreprise en avril 2020 avec peu d’investissement. Je voulais vendre mon produit en magasin, mais avec la Covid, aucun détaillant ne me répondait au téléphone », dit-elle en entrevue.

Pas question de se décourager. Marie-Hélène créé alors son site Web. Un moment propice car, en pleine pandémie, les gens, ayant une conscience environnementale, ont acheté ses produits en ligne. Aujourd’hui, la fondatrice de Myni a élargi sa panoplie de produits nettoyants pour la maison à une gamme corporelle de gels douche et shampoings.

Le secret de son succès

Dès le départ, Marie-Hélène David confie que son secret a été de plonger rapidement. Comme si elle avait été piquée au vif. Pas question d’attendre la perfection de son plan d’affaires. « Cela m’a aidée à ne pas faire trop d’erreurs en cours de route et surtout, j’ai été accompagnée par un mentor, mais aussi par des gens dans les incubateurs qui m’ont proposée des ressources dont du financement, des conseils qui ont fait la différence dans notre croissance. »

Comptable de métier, sa plus grande difficulté des derniers mois fut sans doute l’équilibre dans la gestion des liquidités appelée cash-flow. « Même quand ça va bien, il faut parfois prévoir le pire des scénarios, dit-elle. Parfois, de grosses commandes viennent créer de sérieux enjeux sur les réserves financières. »

La PME de 15 employé.e.s réalise aujourd’hui 60% de ses ventes en ligne au Canada et 40 % au Québec. Déjà, Myni réalise une percée dans 100 points de vente aux États-Unis. Rien de moins.

  • 30,8 % des jeunes entreprises au Québec réalisent des ventes à l’international
  • 53,8 % des jeunes entreprises admettent rencontrer des difficultés à se financer

Participante aux deux émissions Les Dragons présentées en français et en anglais, Marie-Hélène David se démarque par son sens de la répartie et ses propos convaincants. Récemment, elle a remporté le concours du meilleur « pitch » sur la Vallée de la mort, lors d’un concours organisé par le Réseau des jeunes chambres de commerce du Québec en affrontant 5 autres entrepreneurs.

Quel est son conseil pour convaincre aussi facilement les membres d’un jury ? « La préparation, mentionne-elle, c’est la base. Je suggère de se faire challenger par plusieurs personnes. Plus on se prépare, plus on devient à l’aise et on a l’air naturel. »

Marie-Hélène David estime que l’innovation est d’abord quelque chose de simple et pas compliquée. « Il faut un concept clair et savoir à qui on s’adresse et pourquoi. Je ne dirais pas la même chose si je parle à des nouveaux investisseurs. L’important, c’est de trouver le déclencheur chez chaque individu et se dire, quelle information veut-on que les gens retiennent ? »

La jeune femme d’affaires croit en l’importance d’une vision, d’une direction à prendre. « Il faut garder en tête ses objectifs. Je souhaite sauver le plus possible de bouteilles de plastique et d’élargir notre gamme de produits au Canada d’ici 18 mois et de faire la même chose aux États-Unis dans un délai de 5 ans. »

Déjà, Marie-Hélène David concrétise un rêve en réalisant une première percée chez les grandes bannières. Dans un marché en pleine évolution, sa gamme de produits corporels (shampoings et gels douche) se trouve depuis le 1er mars sur les tablettes des pharmacies Jean Coutu.

Une première étape dont elle est fière. Cependant, son plus grand sentiment d’accomplissement demeure son impact pour l’environnement. « Depuis la création de la compagnie, c’est 1,4 million de bouteilles de plastique de moins sur la planète. Maintenant, plus de foyers vivent dans un environnement sain et sécuritaire », conclut-elle.

Grâce à leur détermination et leur vision, Marie-Hélène David et Clara D. Lewis représentent une belle source d’inspiration à l’occasion de la Journée internationale de la femme.