Qu'est-ce que le harcèlement psychologique ?

08-09-2020
Afin de prévenir le harcèlement psychologique au travail, l’employeur doit d’abord être en mesure d’identifier les comportements qui constituent du harcèlement […]
Rédigé par :
Elaine Léger & Deborah Furtado, FASKEN
Deux jeunes femmes riant en parlant dans le bureau derrière leur collègue masculin

À qui s’appliquent les dispositions de la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») portant sur le harcèlement psychologique?

À l’exception des salariés et des employeurs relevant de la juridiction fédérale, les obligations concernant le harcèlement psychologique s’appliquent à tous les salariés syndiqués ou non syndiqués et à tous les niveaux de la hiérarchie d’un employeur, y compris les cadres supérieurs. Toutes les entreprises du Québec, autant du secteur privé que des secteurs parapublics, péripublics et publics y sont assujetties.

Qu’est-ce que le harcèlement psychologique?

La LNT prévoit que le harcèlement psychologique est une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.

Le harcèlement psychologique comprend également de telles conduites lorsqu’elles se manifestent par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel1.

Autrement dit, pour que les dispositions de la LNT sur le harcèlement psychologique s’appliquent, cinq critères doivent être rencontrés : 

  1. une conduite vexatoire;
  2. qui se manifeste de façon répétitive;
  3. de manière hostile et non désirée;
  4. qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié;
  5. qui entraîne un milieu de travail néfaste.

ou une seule conduite grave est alléguée, ayant entraîné un effet nocif continu sur le salarié. 

Dans tous les cas, il suffit qu’un seul de ces critères ne soit pas rempli pour que la plainte (ou le grief) soit rejetée.

« Une conduite vexatoire »

Une conduite vexatoire est la manifestation de gestes, de paroles, de comportements ou d’attitudes qui humilient ou blessent quelqu’un dans son « amour-propre » et qui lui causent des tourments.

En matière de harcèlement psychologique, l’existence d’une conduite vexatoire doit s’apprécier de façon objective en fonction d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Les caractéristiques personnelles de la prétendue victime peuvent être prises en considération afin d’établir si celle-ci a subi du harcèlement psychologique, cependant la théorie du « crâne fragile » doit être utilisée avec une grande prudence.

En effet, les caractéristiques personnelles d’une personne ne doivent pas être la norme de référence pour conclure si, dans la société, la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que la prétendue victime aurait considéré être victime de harcèlement psychologique. Ce n’est pas non plus le critère de la personne forte ou prompte à s’opposer qui s’applique en matière de harcèlement psychologique, c’est celui de la personne raisonnable, diligente et prudente placée dans la même situation et les mêmes circonstances2.

« Qui se manifeste de manière répétitive »

Le deuxième élément caractéristique du harcèlement psychologique est le caractère répétitif des comportements, des gestes ou des actes. On peut affirmer que le harcèlement psychologique est le résultat cumulé d’un certain nombre de gestes plus ou moins graves qui ont un caractère répétitif et persistant. C’est l’accumulation des incidents qui, rétrospectivement, fait paraître leur véritable importance.

Toutefois, tel que mentionné ci-haut, une seule conduite grave peut constituer du harcèlement psychologique si sa gravité est telle qu’elle entraîne les mêmes effets qu’une conduite répétée.

« De manière hostile » 

Quant au terme « hostile », il fait référence à un sentiment d’inimitié, d’opposition, voire à un comportement d’ennemi. Le caractère hostile d’un acte se manifeste par de l’agressivité ou équivaut au comportement d’un ennemi. L’acte hostile peut être exercé subtilement ou ouvertement.

« De manière non désirée »

Ce critère se vérifie à première vue en tenant compte des réactions de la victime. Il renvoie à une manifestation qui n’a pas été souhaitée par la victime, et ce, que celle-ci ait exprimé ou non sa désapprobation avant l’événement. Toutefois, des situations peuvent être retenues comme étant du harcèlement psychologique sans une manifestation explicite, voulant que ces situations ne soient pas désirées, de la part de la victime.

Il faut considérer l’ensemble des circonstances pour conclure aux gestes non désirés, car le contexte, le milieu et la culture du travail comptent pour beaucoup dans l’évaluation de ce qui est acceptable dans un milieu de travail donné.
À noter qu’il n’est pas pertinent de s’interroger sur l’intention malicieuse désirée du harceleur pour conclure qu’il y harcèlement psychologique. Ainsi, même si le harceleur n’avait aucune mauvaise intention, si sa conduite répond aux critères énumérés ci-haut, les tribunaux concluront qu’il y a présence de harcèlement psychologique.

« Qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié »

La preuve doit démontrer que l’atteinte chez le plaignant a laissé des marques ou des séquelles qui, sans être nécessairement permanentes, compromettent de façon plus que « fugace » l’équilibre physique, psychologique ou émotif de la victime.

« Un milieu de travail néfaste »

Un milieu de travail qui ne permet pas la réalisation, de façon saine, des objectifs liés au contrat de travail, est généralement un milieu de travail néfaste3.

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Maintenant que le concept de harcèlement psychologique est défini, il est important d’être attentif à l’apparition de ces signaux au sein de votre entreprise afin de pouvoir intervenir rapidement et efficacement.


1. Art. 81.18 LNT.
2. Larivière c. Collectif de psychothérapie populaire de la Rive-Sud, 2012 QCCRT 111.
3. Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec (FISA) c. Québec (Ville de) (Marie Boissonneault), (2012) R.J.D.T. 510 (T.A.).