Guide de survie pour gestionnaires débordés

09-02-2024
Quelles sont les meilleures stratégies pour les gestionnaires débordé.e.s ? Leur rôle, comparable à un équilibriste, est de jongler avec performance et solutions innovantes tout en s’alliant avec le personnel et la direction de l’entreprise. Voici 6 conseils de nos expert.e.s. pour naviguer dans cet univers en perpétuel changement.   
Rédigé par :
Annie Bourque, Pratiques RH
Pratiquies RH guide de survie pour gestionnaires

Un climat économique qui suscite l’inquiétude  

La récente vague de licenciements au Québec laisse entrevoir une récession

« Peu importe la taille de l’entreprise, des gestionnaires surchargé.e.s ressentent un sentiment de perte de contrôle en raison de ce contexte imprévisible. Plusieurs se demandent : combien de personnes dans mon équipe vont partir et qui restera? », observe Jenny Ouellette, fondatrice et présidente de BonBoss. Son entreprise offre des formations et certifications aux employeurs afin d’implanter les meilleures pratiques en management.  

De surcroît, cette période de marasme économique coïncide avec une augmentation du stress. « Je vois des gens qui se sentent obligés de montrer que tout va bien. Plusieurs vont jusqu’à étouffer leurs émotions et c’est la pire chose à faire. Ces gestionnaires se mettent ainsi une pression inutile », fait valoir Jean-Luc Dupont, auteur du livre « Le gestionnaire poche (proche) et les 6 clés pour un leadership inspirant. »  

1. Prendre une pause 

Spécialisé en leadership et en types de personnalités, M. Dupont prône un temps d’arrêt. « Les gens débordés doivent prendre du recul et regarder quelles sont les pertes d’énergie autour d’eux. » 

Même suggestion du côté de Jenny Ouellette qui utilise régulièrement cette tactique. « Une fois par mois, je bloque une heure dans mon agenda pour prendre un pas de recul. Car, dans un poste de gestion, on est hautement dérangé.e et on gère des imprévus », explique-t-elle.  

Les impacts de l’interruption permanente  

La charge de travail et le phénomène de « gestion par l’interruption permanente » entrainent des conséquences sur la santé mentale. 

À force d’être interrompu.e.s par les nombreuses réunions, les gestionnaires et employé.e.s  ne peuvent atteindre les objectifs fixés. « Cela peut mener à l’épuisement professionnel, confie Jean-Luc Dupont, parce qu’on n’a pas la satisfaction d’avoir mené ses projets jusqu’au bout. » 

M. Dupont note, dans les grandes entreprises, la multiplication d’initiatives environnementales, en marque employeur, en ÉDI etc. « Tout cela a de l’importance, mais combien cela prend-t-il sur le temps de travail de chacun ? » questionne-t-il à haute voix.   

Enfin, les responsables d’équipe ressentent un sentiment de culpabilité, remarque la fondatrice de BonBoss. La raison ? Les gestionnaires manquent de temps afin d’exercer leur rôle de coach auprès des employé.e.s et des nouvelles recrues.   

2. La nécessité de prioriser au quotidien  

De là, l’importance de déterminer ses priorités. « On retrouve notre sentiment de contrôle sur notre charge de travail en priorisant, et ce, pas seulement sur une période à court terme », affirme Jenny Ouellette, la présidente de BonBoss.  

Celle-ci recommande de mettre par écrit les projets, les mandats, les gens à contacter. « On se pose la question : qu’est-ce qui est important et comment puis-je gagner du temps maintenant et pour le futur ? » 

Il existe de nombreux outils pour aider les gestionnaires et dirigeant.e.s à maitriser leur gestion de temps.  

Après ces exercices, il devient plus facile de se concentrer sur ses priorités et de prendre de bonnes décisions. « C’est la clé pour performer sainement avec les membres de son équipe », précise-t-elle.  

3. Responsabiliser son personnel pour soulager la charge de travail  

Lors de ses formations aux employeurs, Mme Ouellette explique comment développer l’autonomie des équipes. « Si vous voulez que votre équipe soit autonome, dit-elle, vous devez déléguer les bonnes choses aux bonnes personnes et mettre en place un filet de sécurité. »  

Cela signifie organiser le travail, nommer les attentes claires, prévoir des suivis avec les membres du personnel. Ces bonnes pratiques augmentent alors le sentiment d’engagement de chacun.e.  

Puis, en cas de projet spécifique et à long terme, Mme Ouellette prône la collaboration entre pair.e.s. Une personne séniore peut alors superviser la nouvelle recrue. « On met en place un système où les gens vont devenir plus performants et autonomes. C’est comme cela que les membres du personnel vont s’épanouir et briser des silos. »  

Une meilleure répartition de la charge de travail évitera ainsi une fatigue physique et mentale pour les superviseur.e.s d’équipe.   

4. Bien communiquer avec son équipe : ce qu’il faut savoir  

Il est primordial de se rappeler qu’une communication authentique permet de gagner du temps en évitant des malentendus ou la non-détection de conflits latents. 

Régulièrement, le gestionnaire s’assure d’une communication fluide avec les membres de son équipe. Il faut éluder ce type de questions :   

-Est-ce que ça va bien ?  

-Est-ce que je peux t’aider ?  

« La majorité des gens vont dire oui à la première question et non à la deuxième car souvent, les employé.e.s ne veulent pas déranger leur gestionnaire avec leurs problèmes », indique Jenny Ouellette.  

Le rôle du gestionnaire est d’appuyer son personnel. « Je propose de demander : comment s’est passé ta journée (ou ta semaine) ? Cela suppose une réponse précise. » 


Pratique inspirante : l’utilisation d’un drapeau qui envoie un message d’alerte   

Chez BonBoss, le travail d’équipe est essentiel. Advenant une grosse urgence, un.e collègue va lever un drapeau rouge. Rapidement, les membres de l’équipe s’investissent pour résoudre le problème. Si un.e collaborateur.trice navigue en eaux troubles, il.elle envoie un drapeau orange sur le canal de discussion de l’entreprise. Le groupe concerné s’investit alors pour trouver une solution afin d’éviter le pire. Enfin le drapeau vert valorise les bons coups de la semaine réalisés par les membres de l’équipe. 


5. La rétroaction au personnel : ce qu’il faut savoir  

À l’instar de BonBoss, plusieurs entreprises mènent de front plusieurs projets d’innovation. Dans le contexte d’un rythme de travail soutenu, croit Jenny Ouellette, il faut s’assurer que l’accomplissement des tâches soit à la hauteur des attentes et des compétences. Sinon, le risque d’erreur est élevé.  

De son côté, Jean-Luc Dupont met en exergue un autre problème, soit la rétroaction surévaluée. La cause est le manque de sincérité de certain.e.s gestionnaires. Cela se traduit par des compliments non justifiés ou pire, le responsable évite de dire la vérité qui est sensible. Pas facile de dire à l’autre : « Hum, ça ne va pas du tout. Et maintenant, démontre-moi, comment tu peux t’enligner dans la bonne direction. »  

Enfin, cet exercice est primordial afin que l’employé.e. comprenne mieux ce qu’on attend de lui ou d’elle. L’énergie du gestionnaire doit s’attarder à la mise en place de solutions dont une communication franche, sincère et bienveillante. C’est pourquoi, M. Dupont incite les gestionnaires à offrir une rétroaction à chaque employé.e et non au groupe. De cette façon, chacun.e se sent encouragé.e et soutenu.e.  

Attention à la technique sandwich dans sa communication  

Cette méthode, souvent utilisée au Québec, n’est peut-être pas la meilleure, selon Jean-Luc Dupont. Par exemple, la personne amorce la conversation en disant le positif, puis ce qui va mal et termine par le positif. « C’est comme si on mélangeait de l’eau froide avec l’eau chaude. L’eau tiède fonctionne peut-être avec le robinet, mais pas avec les êtres humains qui deviennent mélangés. Pourquoi ne pas donner l’heure juste tout simplement ? », illustre-t-il. 

Le courage managérial  

En fait, la rétroaction doit être significative et pertinente et basée sur des faits concrets. Il faut éviter de dire : bravo pour ton travail! « Je recommande de préciser les raisons : j’ai appris beaucoup et j’ai aimé vivre cette expérience. L’employé.e sait alors ce que je valorise », indique Mme Ouellette.  

Dans le cas contraire, si le travail du salarié.e n’est pas à la hauteur, il faut faire preuve de franchise avec doigté. Jenny Ouellette ose demander :  

- Comment peut-on faire mieux à l’avenir ?  

- Qu’est-ce qui t’a empêché d’exceller ? 

« En améliorant l’organisation du travail de même que l’expérience-employé.e et les produits, il devient facile de vivre un succès ensemble. Et plus nos gens excellent, plus ils se développent à la vitesse grand V », conclut la présidente de BonBoss, en souriant.  

5 erreurs à éviter pour les gestionnaires 

Si l’on veut progresser comme responsable des membres d’une équipe et comme être humain, voici les bévues à éviter absolument. 

1. S’abstenir de tout prendre sur ses épaules 

Plusieurs gestionnaires ressentent une grande tension en songeant à l’obligation d’atteindre des objectifs de vente alors que le contexte est particulièrement difficile. « Il faut éviter de tout prendre sur ses épaules et d’avoir réponse à tout », mentionne Jenny Ouellette. La priorité, selon elle, est de travailler avec les membres de son équipe sur un processus de création qui permet à chacun.e de s’engager et de montrer ses talents.  

2. L’effet boule de neige de l’exigence 

Si une entreprise demande des résultats de performance en offrant peu de support, le ou la gestionnaire devient stressé.e. Cette situation l’incite à s’isoler dans son bureau, contribue à la détérioration du climat et le pousse à devenir perfectionniste. « Le gestionnaire n’agit plus dans un leadership collaboratif en étant un coach pour ses employé.e.s. Cela créé une baisse de productivité et les gens vont même commencer à quitter », évalue la présidente de BonBoss, Jenny Ouellette 

3. Le déséquilibre et les mauvaises habitudes de vie 

Mme Ouellette recommande de prendre la résolution de prendre soin de soi pour 2024. « Pour être un bon boss, il faut aussi connaitre ses limites. Si tu ne prends pas soin de toi, cela ne marchera pas. Ton leadership ne sera pas aussi efficace. »  

L’auteur et conférencier Jean-Luc Dupont abonde dans le même sens. « On ne peut pas se connecter aux autres si on ne connecte pas à soi-même. J’observe ce problème chez les gestionnaires qui ne prennent pas de temps pour eux. » 

4. Laisser perdurer des conflits  

Le responsable de l’équipe laisse s’installer un contentieux entre deux salarié.e.s. en pensant qu’eux-mêmes vont être capables de trouver une solution. « C’est un passe-droit vers une mauvaise culture d’entreprise croit Mme Ouellette. 

5. Ne valoriser que les grandes réussites 

Enfin, le rôle du gestionnaire est comparable au coach du Canadien de Montréal, Martin Saint-Louis. Celui-ci ne souligne pas juste les grandes réussites, mais souvent les efforts et les progrès !  

En conclusion  

Jenny Ouellette nous partage sa vision de ce métier névralgique au sein des PME et des grandes entreprises.

« Être gestionnaire, c’est gratifiant parce qu’on voit les gens s’améliorer, grandir et s’épanouir dans leur talent », dit-elle.   

De son côté, Jean-Luc Dupont oriente son mot de la fin vers un questionnement d’introspection s’adressant aux nouveaux gestionnaires qui apprennent les rudiments du métier. « Pourquoi acceptes-tu ce défi ? Est-ce pour te sentir reconnu.e, par appât du gain ou pour ton égo ? Si tu deviens gestionnaire, c’est d’abord parce que tu as cette fibre en toi de faire grandir les gens. »